Vers un triptyque de montagne

Récit écrit par Christian Capelle


Durant cet été 2022, j'ai participé à 3 compétitions en montagne de longue distance – ce qui est pour moi assez inhabituel – et je vais vous d'écrire comment je m'y suis préparé.

Tout d'abord, pour celles et ceux qui ne me connaissent pas, je vais brièvement me présenter. Je m'appelle Christian Capelle je suis membre du RCB depuis 2004. J'apprécie tout type de courses, disons entre 5km et 30km, et plus particulièrement les trails. J'ai fait partie du comité du RCB GAL de 2009 à 2016, en ayant été président durant 2 ans. Je suis très reconnaissant au RCB de m'avoir fait progresser et de m'avoir fait connaître de nombreuses courses en Belgique et à l'étranger.

Généralement, je ne quitte pas la Belgique pour courir une compétition. Je me contente de courir les compétitions en Belgique, ou alors de profiter de séjours à l'étranger pour y courir des courses alentours.

Cette année, en planifiant mes congés, je découvre plusieurs courses à proximité des lieux où je vais aller en vacances avec mon épouse d'une part et en famille d'autre part. Mais je constate que ces courses de montagne sont plus longues et avec beaucoup plus de dénivelé que celles auxquelles je participe habituellement : je devrai courir aux alentours de 4h de course ce qui est inhabituel pour moi, plus habitué à courir entre une demi-heure et deux heures. Comment vais-je faire pour m'y préparer, ici en Belgique, pays peu montagneux ?

La première compétition de mon triptyque de montagne a lieu début juillet ; il s'agit du Championnat d'Europe de trail master qui a lieu en France, près de Chambéry, au départ du village de La Féclaz. Ce lieu se situe à proximité du Parc National de la Vanoise où mon épouse et moi-même allons passer 2 semaines de vacances. Pour ce Championnat d’Europe, j’ai le choix entre deux distances. Problème : la petite distance (10 km et 700m de D+) est une course de montée, sans descente, ce qui ne me convient guère. La grande distance (40km et 2200m de D+ & D-) est une course en boucle mais un peu longue pour moi qui ne dépasse généralement guère les 2h à 2h30 de course.

La deuxième compétition est le festival trail de Montreux qui propose comme distances 30, 70 et 110 kilomètres, sans compter la traversée de la Suisse (390km et 24.000m de D+). Je choisis le 30 km avec quand même 2200m de dénivelé positif et négatif. La course a lieu fin juillet, le jour où débutent mes vacances en famille, en Suisse, dans le Val d'Anniviers. Cette course en bordure du lac Léman sera une bonne préparation pour Sierre-Zinal, deux semaines plus tard, ma troisième et dernière compétition de ce triptyque de montagne.

J'habite à Durnal, un petit village bordant la vallée du Bocq, dans le Condroz namurois ; il y a du relief mais il me semble insuffisant pour préparer ces 3 compétitions qui affichent toutes plus de 2000m de dénivelé positif.

L'année passée, à la même époque, je me trouvais déjà du côté de Zinal, pour préparer puis encadrer le stage trail du RCB qui s'y est tenu. Je m'y étais d’ailleurs fait une entorse et, suite à cela, j'avais renoncé par prudence à une compétition que je devais courir peu après la fin du stage, la Sky Race de Montgenèvre, du côté de Briançon. En remplacement, j'avais couru plus tard le Trail des Étoiles à Saint-Véran, dans le Queyras, avec une durée de course bien au-delà de ma zone de confort (4h20' d’effort). Ce Trail des Étoiles s'était bien déroulé et j'attribue cela aux très nombreuses sorties vallonnées que j'ai effectuées avant et pendant le stage trail du RCB.

Cette année, pour aborder mon triptyque de montagne, je me suis dit qu'un entraînement court mais intense en montagne, dans les jours et semaines précédant les compétitions, m'offrirait une préparation suffisante.

Autant je récupère difficilement – et lentement – d’une course plate et rapide, genre 10 km sur piste ou 20 km de Bruxelles, autant j'ai constaté ces dernières années que mon corps et mes muscles récupèrent assez rapidement de sorties en montagne où les montées, les descentes et le plat s’y alternent gaiement. Par ailleurs, moi qui cours – merci Strava – en moyenne 5h et 60km par semaine, je constate en arrivant dans la montagne que je peux du jour au lendemain démultiplier la durée de mes sorties et ce quotidiennement. Le plaisir que j'éprouve à courir en montagne n'y est probablement pas étranger ; c'est sans doute pour partager ce bonheur que j'ai organisé quelques stages trails en montagne pour le RCB ces dernières années.

Pour préparer les Championnats d'Europe de trail master, je suis donc arrivé en Vanoise une semaine avant la course et j'ai choisi un entraînement « choc » comme dirait Olivier Gausset : en 4 jours consécutifs, de J–7 à J–4, j'ai totalisé 100 km et 6000m de dénivelé pour un total de 13h d'entraînement en montagne. Ensuite, repos !

Ah oui, ne parvenant pas à choisir entre le trail court et le trail long, j'ai choisi de courir … les deux ! Pas grave, me dis-je, je courrai le trail court au petit trot, pour ne pas me griller avant le trail long du lendemain. Serment d'ivrogne : comme vous, j’imagine, il m'est difficile de m'aligner sur une compétition sans m’y donner à fond. Ce sont les Championnats d'Europe, peut-être master mais ça commence dès 35 ans, donc le niveau est relevé, et je me retrouve noyé dans la masse. Moi qui démarre généralement en début de peloton, je ne suis pas habitué à être placé dans le … 7e sas de départ sur un total 11, les sas étant répartis par catégorie d'âge (35, 40, 45, 50, 55, 60 ans, hommes et femmes). Et oui, j'ai 55 ans cette année, je pars donc de l’arrière du peloton. M'aligner sur cette course pour vétéran me force aussi à accepter que je vieillis, puisque je m'aligne sur une compétition où mes seuls adversaires ont entre 55 et 59 ans – le classement scratch importe peu (heureusement d’ailleurs, sinon c’est démoralisant ;-).

Je me retrouve donc au milieu du peloton, avec plusieurs féminines autour de moi, chose peu habituelle, qui me dépassent dans les parties abruptes. Je me dis que je les rattraperai dans les parties plates et ‘downhill’ mais c'est il n'y en a pas, c'est une course ‘uphill’. Bon, je n'y vais pas à fond mais presque, à l'instar de La Juracime (lajuracime.ch), cette compétition par étapes du Jura Suisse qui comprend 5 courses réparties sur les septante-deux heures du WE de Pentecôte (‘y a des pentes et des côtes ;-), où la répétition des courses impose de ne pas se donner à fond, mais d’aller vite quand même.

Ce trail court est nerveux : 10 km et 700m de D+ que j'avale – si je puis dire – en une heure. Terminer par des pistes de ski que l'on remonte ne fait pas toujours du bien aux mollets, surtout chez le « pauvre » belge que je suis.

Le lendemain matin, c'est au tour du trail long. Je prévois une durée de course au-delà des 4h, durée que j'ai rarement couru dans ma vie (sauf, donc, l'an dernier dans le Queyras). Nouveauté pour moi, je décide de porter un camelbak rempli de 2 L de boisson sucrée. C'est lourd, encombrant, et je n'aime vraiment pas. Mais cela me permet d'être autonome pour mon ravitaillement. Le parcours est tracé par les organisateurs de la Maxi Race (www.maxi-race.org). Il est technique et parfois vraiment casse-pattes. Ça monte et ça descend tout le temps. Comme je suis plutôt un mauvais grimpeur (l’âge sans doute …) mais un bon descendeur, je joue au yoyo avec les concurrent.e.s qui me dépassent dans les montées et que je rattrape dans les descentes. Ne sachant comment mon corps va tenir le coup durant un effort si long, je démarre au tempo mais pas trop vite quand même. Je me sens bien. À partir de la mi-course, j'accélère. Enfin, c'est ce que je crois. Car après coup, Strava me dira qu’il n'en est rien : j'ai juste réussi … à ne pas ralentir. Je termine cette course en un peu plus de 4h20', dans un relativement bon état : j'aurais pu encore courir quelques kilomètres s'il l'eût fallu.

Avant ce Championnat d'Europe de trail, je ne savais pas où me situer au niveau européen. J'espérais vaguement un top 10 à l'une des deux courses, probablement le trail long qui me convient mieux. Je suis assez content de mes résultats dans ma catégorie d'âge M55 (www.euro-trail-feclaz.fr) sur les deux distances. Bien sûr, au classement scratch, je suis bien loin.

Après mes vacances conjugales en Vanoise, je suis revenu en Belgique mais je n'avais pas le coeur à des entraînements longs. Je suis donc reparti en direction de Montreux pour m'y préparer en effectuant une seule longue sortie deux jours avant la compétition. Pas grave si je n’étais pas prêt me dis-je, je considérais ce trail moins comme un objectif en soi que comme une préparation à Sierre-Zinal. D'ailleurs, les profils de ces deux compétitions sont proches : Montreux, c'est 30 km et 2200m de D+ et de D– alors que Sierre-Zinal c'est 31 km avec 2200m de D+ mais seulement 1100m de D–.

La course démarre à 9h30. J'ai l'impression que ça monte vraiment tout le temps. Bon, il y a quelques rares tronçons de plat et de descente, mais quand même, j'en suis encore à grimper jusqu’à 2h50' de course ; je termine en un peu moins de 4h avec une heure de ‘plongée’ assez abrupte vers le lac Léman dont les 250 derniers mètres de dénivelé empruntant … des marches d’escalier ! Au final, excellente préparation quand même en vue de Sierre-Zinal.

Les résultats (montreuxtrail.livetrail.net) confirment que je descends mieux que je ne monte : entre le milieu de l'ascension et la fin de la descente, je divise par deux ma place au classement.

À nouveau, je termine dans un état physique acceptable, avec quelques courbatures néanmoins. Les étirements me font beaucoup de bien, ainsi qu'une plongée – au sens propre cette fois – dans le lac Léman situé à moins de 30m de la ligne d'arrivée.

S’en suivent deux semaines de vacances familiales du côté de Grimentz, Chandolin, Saint Luc et Zinal, qui me permettent de préparer au mieux cette course de montagne mythique, Sierre-Zinal, en y courant le parcours en entier mais par tronçons. C'est l'objectif de mon été (j'avais pris mon dossard en avril), et je veux courir à fond, quitte à mourir sur la ligne d'arrivée, dans l'espoir de décrocher une place sur le podium dans ma catégorie 50–59 ans. Comme j'ai déjà 55 ans, ce n'est pas gagné, il y aura sûrement des ‘petits jeunes’ de 50 ou 51 ans ;-). Par ailleurs, cette année, les organisateurs ont réussi à attirer les meilleurs coureurs de montagne de la planète, j'ai nommé les Kenyans – qui généralement ne se déplaçaient que pour les championnats du monde de trail ou de montagne.

Petit sujet d’appréhension : avec la famille et les amis, nous avons fait l'ascension d'un sommet à 4000m, deux jours avant la course. C'est sans doute excellent pour le taux de globules rouges, mais quelque peu hasardeux pour les jambes, avec les 2500m à grimper puis à redescendre entre Zinal et le Bishorn.

Je me souviens avoir couru trois fois Sierre-Zinal, dans les années 2000, et j'en ai le souvenir d'une course difficile car, après les 1500m d’ascension lors des premiers kilomètres de course, les jambes sont déjà fatiguées alors qu'il reste une bonne vingtaine de kilomètres à parcourir.

C’est le jour J. Dans le box de départ, je me place le plus devant possible, derrière les élites invités (reconnaissables à leur dossard jaune), qui sont quand même plus de 200, hommes et femmes. Je démarre à fond, afin d'éviter après un kilomètre le goulot d'étranglement lorsque l'on quitte la route goudronnée pour aborder le sentier de montagne. Mon cardio explose durant ce premier kilomètre. Heureusement, le sentier est là, je peux ralentir, le trafic est fluide. Après un quart d'heure de course, les lacets, c'est fini. Le sentier monte à flanc de … forêt ; je marche, comme tout le monde – sauf les élites invités. Je monte à un rythme – prévu – de 1200m de D+ par heure. Sur base de la reconnaissance du parcours que j'ai faite tantôt rapidement avec mon fils Corentin, tantôt à fond

mais seul, j'avais établi un plan de route. En fait, contrairement aux deux premières courses de mon triptyque, ici j'avais décidé de courir à fond du début à la fin, m'estimant super bien préparé, et étant obligé de tout donner si je voulais espérer un bon résultat. Sierre-Zinal, est chaque année une course très relevée, de niveau international, et qui demande une gestion de course soignée. Je suis dans le dur du début à la fin. Mais je sais que mon corps tiendra le coup car j'ai plus d'un mois et demi d'entraînement en montagne, entrecoupé d’un retour en Belgique. De plus, le dernier tiers me convient particulièrement bien : du plat, de la descente douce et enfin la descente ‘de la mort’ vers Zinal, que tout le monde redoute, mais que j'ai apprivoisée lors de ma reconnaissance – de plus, j’adore les descentes. Je contrôle mes pulsations cardiaques durant toute la course, afin de m'assurer que je suis au-delà de ma fréquence cardiaque marathon. Je sens la fatigue dans tout le corps plus que dans les jambes, mais je tiens le coup, y compris dans la descente finale. Un concurrent que je soupçonnais appartenir à ma catégorie d'âge – en fait, il n'en était rien – était sur mes talons et je voulais éviter qu'il me dépasse sur le fil. C'est pourquoi j'ai soigné ma descente vers Zinal (300m de D– en 6 min. dans la partie très pentue). Je termine cette course complètement épuisé, plus d'énergie dans le corps. Du côté des muscles, ça va. D'ailleurs, après le plateau repas et la remise des prix, je suis rentré au gîte en trottinant, sans soucis. Mais que la course fut éprouvante.

Mon objectif est-il atteint ? Dans cet article , j’ai choisi de ne pas donner mes classements scratch ou de catégorie. Si vous êtes intéressés, les classements, temps de passage et autres détails sont fournis à l’URL www.datasport.com/live/ranking/?racenr=24138.

Une semaine plus tard, de retour en Belgique, je veux décrasser sur le trail de Mirwart, à l’aise, tranquille. Grave erreur. Je cours avec un gars sympa, nous discutons pas mal, mais il ne faiblit pas. Sur la fin, je suis obligé d'accélérer pour le lâcher. Mal m'en a pris, je suis tout courbaturé. Le lendemain, en écrivant ces lignes, je me sens complètement cassé. Mollets douloureux. Sierre-Zinal est une belle course, magnifique quand la météo est de la partie comme ce fut le cas cette année (ahh ahh, le Cervin en ligne de mire … le Weisshorn … le Bishorn escaladé deux jours plus tôt …), mais une course difficile et qui fait souffrir la mécanique, un peu à l'instar d'un marathon. Je vous la recommande vivement mais, comme pour un marathon, une approche soignée et une préparation spécifique sont nécessaires pour bien en profiter.

Un peu de repos maintenant, beaucoup même, et puis je vais démarrer la préparation de tout autre chose : un marathon. Mais en termes de préparation, l’approche n'est-elle pas similaire ? il s'agit au fond de s'entraîner pour une compétition à nulle autre pareille, que l'on court rarement, qui peut faire rêver, parfois belle, souvent impitoyable … Et vous, qu’en pensez-vous ?

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