Swiss Canyon Trail 111km
7 juin 2025
récit écrit par Clement Reygaerts
Profil de course
Mon envie de participer à un ultra trail est loin d’être nouvelle mais je n’avais jamais osé passer le cap.
NE JAMAIS DIRE JAMAIS…
Deux événements m’ont convaincu :
La participation à Olne-Spa-Olne fin novembre 2024 qui m’a fait dire que si je peux faire 70 je peux peut-être faire 100.
L’accueil d’un bébé fin juillet (VITE TANT QU’IL EST ENCORE TEMPS !!)
J’arrive à convaincre Anthony Germann, ce pote qui m’a conseillé de m’inscrire au RCB il y a 3 ans, de m’accompagner pour m’assister et c’est donc à 4 (accompagnés de nos moitiés) que nous prenons la route jeudi matin.
Les prévisions météorologiques n’étaient pas bonnes, et en effet nous sommes accueillis sur place par de la brume, des nuages et de la pluie.
Pour couronner le tout, depuis mardi j’ai la gorge qui gratte et je commence à tousser…
Après une bonne grasse matinée vendredi, nous partons chercher les dossards début d’après-midi à Couvet où démarrent toutes les distances (Anthony participe au 17km le samedi). On assiste au départ du 166km et les frissons envahissent mon corps en voyant s’élancer ces warriors. A ce moment-là, il y a des éclaircies et je me risque à croire qu’on aura peut-être cette chance là nous aussi.
Au retour, on passe par la pharmacie pour tenter de limiter la casse.
Au final, toute la fin de journée et la nuit, il n’arrête pas de pleuvoir et dans mon lit, je suis terrifié en entendant la pluie s’abattre violemment sur le velux, entre deux quintes de toux.
Le réveil sonne à 3h15. Je m’habille machinalement et déjeune sans appétit puis nous partons vers Couvet. Comme je suis toujours en retard, nous arrivons à peine 15 minutes avant le départ, ce qui me vaut déjà une bonne dose de stress.
La chance est avec nous, il fait sec pour le départ mais les frontales seront encore utiles pendant une bonne heure. Déborah assiste à mon départ à 5h et repart ensuite au gîte pour dormir quelques heures. Clapping, discours, etc., ce départ est aussi beau que celui de la veille et j’ai du mal à réaliser ce dans quoi je m’embarque.
Les 12-13 premiers kilomètres passent très vite sous un temps sec et au moment d’arriver au sommet du Creux-du-Van (lieu emblématique du Val-de-Travers et symbole de la course), non seulement on ne voit rien mais la pluie se met à tomber et nous sommes transis de froid avec ces bourrasques de vent. Le physique étant toujours ok, je cours le plus possible pour me réchauffer.
La descente se passe bien et j’arrive tout en bas de la vallée au ravito de la « Carrière des môtiers », km 30,4. Je me sens toujours bien mais je préfère prendre le temps de manger et boire suffisamment avant d’entamer la première montée au Chasseron (km 40). 950 m+ que j’avale lentement mais sûrement. On passe dans de véritables canyons avec des escaliers étroits et raides, ainsi que des caillebotis traversant des torrents assourdissants…
En arrivant au sommet, je découvre que mes comparses m’attendent sous la pluie.
Je commence à sentir une petite gène dans la fesse gauche mais je me dis que c’est normal après 40km. A nouveau, le vent et la pluie nous refroidissent et je décide de repartir sans trop tarder pour tout redescendre et les retrouver au km 47, où la pluie vient de cesser et quelques éclaircies s’invitent à la fête. Quel bonheur de voir mes proches !
J’attaque maintenant la 3ème grosse montée vers les Aiguilles de Baulmes. Elle est interminable, mon allure chute drastiquement en montée avec la fatigue mais aussi la technicité des sentiers et la boue. La redescente vers le ravito du km57 est hyper dangereuse et j’entends beaucoup de coureurs se plaindre que l’orga nous fasse frôler des précipices et descendre des rappels.
Je continue mon périple et retrouve Déborah et Charlotte au col des Etroits (Km 64,2) pendant qu’Anthony est occupé à voler sur les chemins du 17km (où il finira 17ème !!!).
Là, je repars vers le Chasseron par un autre versant mais on n’ira cette fois pas jusqu’au sommet. Ils nous font redescendre juste avant par des chemins boueux et glissant vers la base vie des Gorges de Noirveaux, Km 76.
J’arrive un peu déconfit car la fatigue se fait sentir et je commence à avoir envie de dormir. Il doit être quelque chose comme 19h déjà. Mais mon équipe de choc parvient à me rebooster. Je reste presque 1h, je mange des délicieuses pâtes tièdasses (mmm, la magie de l’ultra ). Je change de chaussettes mais décide de garder mes chaussures même si elles sont trempées car l’accroche est top et j’ai peur de trop glisser avec mes autres… Je profite d’un massage où une bénévole essaie tant bien que mal de détendre mes ischios. Néanmoins, je repars complètement reboosté avec un petit podcast dans les oreilles, sachant que les deux prochaines sections ne sont pas trop difficiles.
J’entre dans une espèce de bulle et me surprend à courir là où beaucoup marchent. J’arrive au Verrières (Km 90,5) et Déborah m’appelle pour me dire qu’ils n’arriveront que dans 15 minutes. On se met d’accord sur le fait qu’ils viendront plutôt au km100. La montée qui suit le ravito du 90 est raide et je commence à avoir vraiment dur. Je me dis que je vais pouvoir avancer un peu plus vite dans la descente mais la boue et l’obscurité rendent les foulées difficiles.
Quand j’arrive au Km 100, ils m’attendent et crient mon nom en m’apercevant. Il est 1h du matin et je suis un peu honteux de leur infliger ça. A nouveau je reste pas mal de temps, je pense que j’ai peur des deux montées bien piquantes qui m’attendent pour la fin.
On se met d’accord : au dernier ravito, km 110,6, je les préviens afin qu’ils m’accueillent à l’arrivée 4km plus loin.
Cette section, entre le 100 et le 110, est un vrai calvaire et je prends un temps dingue bien que ça commence à sentir l’écurie.
Ils me font la surprise de finalement m’attendre à ce dernier ravito où il fait glacial.
Je reste très peu de temps et entame la descente vers l’arrivée. L’adrénaline s’empare de moi et je cavale pour rejoindre la civilisation (et mon lit).
Je vois sur ma montre que ça fait presque 24h de course et un sursaut d’orgueil me pousse à accélérer pour arriver avant le tour de l’horloge.
J’arrive à 4h52, après 23h52 d’aventure, dans un village presque entièrement endormi et retrouve Déborah, Anthony et Charlotte qui ont loupé mon arrivée à 30 secondes près. Ils sont plus déçus que moi qui suis déjà tellement reconnaissant de leur présence.
Je récupère mon t-shirt finisher, on n’échappe pas à la petite séance photos et on se dirige vers la voiture pour rentrer se reposer.
A ce stade, je n’ai qu’une seule envie, rentrer, me foutre mes savates et terminé bonsoir.
Mais quel plaisir d’aller dormir avec le sentiment du devoir accompli !
Le dimanche, après un petit déjeuner pris à 15h, on se rend à Neuchâtel pour flâner le long du lac (sous un beau soleil sinon c’est pas drôle).