“Il parait que c’est comme un accouchement !”

Par Véronique Métrot

J-5, après l’entraînement

Je fais tourner les jambes tranquillement après la dernière et fameuse séance de 10 fois 700m à allure marathon quand Antoni me dit : « Pour une femme, un marathon, il parait que c’est comme un accouchement » ! Ah oui, vraiment ? Quelle comparaison inattendue. Je lui rétorque alors que j’aimerais bien avoir ma péridurale au 36ème pour faire passer les derniers km. Dernières papotes avec les marathoniens qui restent (faut dire que dans le groupe de Marc, je suis une des rares qui ne s’est pas attaquée à cette distance !), et voilà que Gaétan me le répète : « oui tu verras, certaines femmes comparent ça à un accouchement »… eh bien les gars, vous avez l’art de motiver les femmes !

Le stress commence à monter en puissance, avec les dernières recommandations : « Surtout, sucre bien tes tartines le matin - Marc », « Gave toi de pain et de pâtes - Seb », « Mange des abricots secs la veille et une banane avant le départ - Jonathan » , « Surtout ne change pas tes habitudes - Victor », « Prends de la Maltodextrine - Anne » ...de la quoi ??? J’en ai la tête qui tourne et leur réponds : « De toutes façons, Alea Jacta est ». Je file quand même au Delhaize pour acheter un régime de bananes, des coquillettes, du pain blanc, du pain aux raisins, du pain aux graines… ah non, ça, on va éviter.

Je me sens prête à affronter les 3 derniers jours quand je reçois un dernier mail de Marc : « Pense à prendre du glucose pendant les 3 jours précédant la course ». Hum, encore cette histoire de glucose ! Les pâtes, ça ne suffit pas ??? Je tape fébrilement sur internet : « Glucose et Decathlon » et la fameuse Maltodextrine ressort !!! Petit coup de stress : « Chéri, t’irais pas m’acheter un peu de Maltodextrine » ! On est jeudi soir, j‘engloutis 1L de Maltodextrine à 21h, en espérant que mes intestins ne me jouent pas un tour pendant la nuit ... Et au fond de mon lit, je me demande pourquoi ? Pourquoi je me suis embarquée dans cette galère ?

J-300, la genèse

En fait, pendant un bête Team building de Noël, je me suis enflammée quand on a demandé à chacun quelle était sa résolution de 2022 et j’ai alors fanfaronné que je ferai… un marathon. Pourquoi, me demanderez-vous ? Peut-être parce qu’en tant que coureuse (et hurdleuse s’il vous plaît, dans ma jeunesse !), j’étais toujours ébahie par ces athlètes qui arrivaient à courir 42km quand je ne faisais qu’un seul et unique tour de piste. Finalement c’est un peu la question Shakespearienne de toute coureuse : « Être ou ne pas être… une marathonienne ? »

J-90, le début des choses sérieuses

Pour y répondre, il faut surtout s’y préparer. La préparation officielle a donc commencé en juillet où il a fallu jongler avec les repas de familles dans le Sud Ouest, à base de gras de canard, les sorties longues en pleine canicule… et la frustration de ne pouvoir étancher sa déshydratation avec un bon Aperol Spritz ! Il y eut des jours avec et beaucoup sans.

Le premier vrai test a été le Meyboom trail de 21km début septembre : Allure moyenne de 5:12/km… eh bien, on est loin d’être prête ! Puis il y eut ce moment magique des 10km de Schaerbeek pour lesquels ton boss t’a expressément dit de ne pas trop forcer. Mais là, comme par magie...de l’entraînement, j’ai l’impression de voler. Le terrain n’est pas facile et pourtant j’arrive à garder une très bonne allure sur les 10km. J’enchaîne avec la sortie longue du week-end (30km) et arrive toute fringante à l’entraînement suivant. Et là, badaboum… contraction (oups le fameux lapsus de l’accouchement), contracture au mollet à l’entame de mes 4 x 3000m.

Alors je repense à certains malins qui m’avaient fortement conseillée de préparer « ma blessure » d’avant marathon, à communiquer sur tous les réseaux sociaux et à ressortir après, comme excuse d’un potentiel résultat tout pourri. Maudits soient-ils ;-) On adapte les séances, je masse, je crème, je me bourre de vitamines, spiruline et autres pilules en tous genres, pour retrouver mon mollet et ça porte ses fruits. C’est bon.. je suis prête. Mais les 15 derniers jours sont horribles. Finalement, Antoni et Gaétan avaient raison : la ressemblance avec l’accouchement, c’est maintenant, quand tu attends la délivrance !

Jour J

il est 6h ... Bruxelles s’éveille et ça pique un peu pour mon mari et ma fille qui doivent troquer leur grasse mat’ dominicale pour un trip de supporter. J’ingurgite le carbohydrate cake cuit la veille, les tartines et la banane. 8h40 : je reçois un dernier message de Marc : « As tu pensé à une crème anti-frottement »? Je me demande perplexe s’il pense à un endroit particulier. Je sais que certains garçons douillets en mettent sur les tétons, d’autres entre les cuisses. Moi, j’ai toujours fait sans, je ne vais pas changer maintenant . Et puis, « Fallait le dire avant, Marc » !!!

Après moults détours dans les rues bloquées d’Eindhoven, on réussit à se garer à l’université, à 2km du départ. Ma fille chevauche fièrement la trottinette… faut pas non plus demander à une ado de courir à 8h du mat, quand même.

Arrivée au centre, petit coup de stress : l’accès au départ est complètement bloqué par les coureurs de la Family run de 9h30. J’arrive à me faufiler et me retrouve à faire la file devant le box des toilettes. Tu te dis qu’on aura fini tous les progrès quand les femmes ne devront plus patienter 15 min pour faire leur dernier pipi d’avant course. Bref, avec tout ça, je rentre dans mon box à 9h50, départ dans 10 min… finalement je ne me serais même pas échauffée ! Je me rassure en pensant à Antoni qui m’avait dit que lui s’échauffait à peine, qu’il y avait bien assez des 42 km pour monter en puissance ! Bizarrement je n’ai pas l’habituelle boule au ventre : ici je suis un peu l’outsider, ici je ne me mets pas la pression de finir dans le top 10 féminin, ici… je savoure l’instant présent !

Le plaisir des 30 premiers

Avec seulement 3000 participants, j’arrive vite à ne pas courir dans les talons du mec de devant. J’aperçois Benoit et Charlotte au 3ème km. Ils m’encouragent à gorge déployée. Je leur réponds tout sourire. Ils se déplacent rapidement en trottinette et me retrouvent au 5ème, puis au 10ème. Je me sens bien, je fais des grands gestes devant la caméra, galvanisée par leurs encouragements et les spectateurs déjà nombreux.

Les sensations sont toujours bonnes au 21km, motivée par des Hollandais qui scandent mon nom : « Allez Véronique », qui dérape parfois en « Come on Monique » ! Je ne peux pas leur en vouloir, ça fait 1h30 qu’il sont à l’apéro. Dans ce brouhaha, je reconnais une voix familière et aperçois furtivement Mihai et Antoni venus pour leur semi de l’après-midi. C’est chouette de se faire encourager par les pointures du club ! Et j’en ai besoin car un petit égarement mental me fait prendre conscience que je n’en suis qu’à la moitié !!

Benoit court à mes côtés en me demandant si je veux une barre et je lui réponds à demi-mot. Je grignote le bazar que j’ai du mal à déglutir. En revanche, les ravitos sont vraiment bien organisés, un peu de sucre, un peu d’eau, je prends les 2 et bois à petites gorgées. Je les revois au 27ème mais là, le visage est tendu et j’économise les sourires. Il ne reste plus que… 15km. Je me motive en me disant que finalement, « c’est comme les 15km de Woluwe… normalement, je sais faire ! ».

L’improvisation des 12 derniers

Arrivée aux 30, je pense à Anne (qui venait de finir en beauté le Marathon de Londres, une semaine avant - Bravo Madame!): « ton marathon commence au 30ème ! » Eh oui, mon mari m’avait bien avertie, étonné qu’il était par tous les programmes d’entraînement marathon qui finalement te laissent improviser sur les 12 derniers km ! Remarque, c’est assez proche de la préparation à l’accouchement qui, à part quelques étirements et respirations canines, ne propose jamais une mise en conditions réelles des dernières minutes de travail éreintantes. 32, 35km… je vois l’allure qui diminue, je perds 5s par-ci, 10s par-là et me rassure un peu en pensant aux quelques secondes de marge prise sur les 25 premiers km. Au 37ème, c’est vraiment dur, surtout quand un des meneurs d’allure de 3h30 me double, je m’accroche sur une centaine de mètres mais capitule. Allez, c’est bientôt la délivrance.

40… on commence à revenir dans la ville. Je perds 30s au 41ème, je suis à l’agonie, quand Marc surgit de nulle part et me crie « allez, pense à accélérer dans les derniers mètres ! ». 42ème : je perds encore 30s, il est temps que ça s'arrête. Je vois l’arche d’arrivée à 200m, un regain d’énergie et… par peur du coach, j’accélère. Je passe la ligne et m’écroule sur la barrière Nadar.

J’éclate en sanglots. Je l’ai fait. Je l’ai terminé. Et dans le temps prévu : 3h30 et des poussières. Marc pensait que j’en étais capable. Tous ses calculs d’apothicaire et ses fichiers Excel avaient prédit ma forme physique du jour. Merci Coach. Je suis très contente. Je retrouve Benoît et Charlotte en claudiquant. Quelle sensation étrange de ne plus savoir même marcher alors que tes jambes t’ont portée pendant 42km. Je tombe dans leurs bras… merci de m’avoir accompagnée aujourd’hui et surtout pendant ces 3 derniers mois.

Je reçois plein de félicitations (Merci à vous tous du RCB d’ailleurs !) ... je prends tout ce qui peut flatter l’ego et prouver que je n’ai pas fait tout ça pour rien. Une semaine après, j’écris ces quelques lignes. Je n’ai couru que 2 fois 6km et à quelle allure !! Je pensais que ma montre était cassée !

On me demande déjà « à quand le prochain » ? Il paraît qu’il vaut mieux en faire un autre temps qu’on est encore dans les couches et que c’est mieux pour qu’ils jouent ensemble – Ah, non, ça c’est après l’accouchement…

Refaire un marathon ? Est-ce vraiment la peine de s’abîmer (quand même un peu !) pour gagner 5min ?

Pour l’instant, je savoure celui-ci et me poserai la question à Noël, au prochain team building !

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